Le Gorafi, cousin français de The Onion, l'a titré : "Le rapport du GIEC annonce qu'il n'y aura bientôt plus assez d'arbres pour imprimer le prochain rapport du GIEC". Humour noir mis à part, l'impact relativement faible de la récente publication du GIEC montre que nous devenons insensibles à l'actualité climatique et, plus dangereusement, à la science qui nous alerte sur la crise climatique en cours.
Notre appétit collectif pour le futile semble insatiable. Par exemple, un mois après leur sortie respective, le livre Spare du Prince Harry a eu 12 fois plus d'impact global en ligne que le récent rapport majeur du GIEC sur le climat*. Certains experts affirment que le public est submergé de mauvaises nouvelles, et suggèrent que le fatalisme a remplacé le négationnisme en tant qu'obstacle majeur à la résolution du problème du changement climatique.
Alors non, n'imprimons pas le rapport du GIEC, mais examinons-le plutôt sous l'angle de ce que la communication peut faire pour aider à résoudre la crise climatique.
Le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC) est un organisme scientifique créé par les Nations Unies pour fournir aux décideurs politiques des évaluations régulières de la base scientifique du changement climatique, de ses impacts et des options pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (atténuation) et s'adapter aux effets inévitables du changement climatique en cours.
Tous les cinq à sept ans depuis 1990, le GIEC publie une série de rapports appelés rapports d'évaluation (RE), le dernier en date étant le rapport de synthèse AR6 Synthesis Report : Climate Change 2023, qui vient d'être publié en mars de cette année.
Il existe de nombreux résumés et commentaires, que nous ne paraphraserons pas, sur ce dernier rapport ; à titre d'exemple, ce top 10 des conclusions est une bonne ressource, ainsi que cet article du New York Times.
Ces rapports ont pour but de guider, et non de prescrire des politiques, et ils sont produits selon un processus rigoureux, scientifique et transparent. Toutefois, en tant qu'organisme intergouvernemental, le GIEC fonctionne sous la direction des gouvernements qui en sont membres. En conséquence, les rapports sont soumis à l'examen et à l'approbation des gouvernements avant d'être finalisés, ce qui peut amener certains gouvernements à influencer la formulation du rapport pour l'aligner sur leurs intérêts ou leurs politiques.
Le dernier rapport du GIEC n'est pas à l'abri d'une telle influence, puisque de grands pays producteurs de viande et de combustibles fossiles auraient fait pression pour édulcorer ou supprimer le texte encourageant la réduction de la consommation de viande et l'abandon progressif des combustibles fossiles, deux facteurs majeurs du changement climatique.
33 ans après le premier rapport du GIEC, les émissions de GES continuent d'augmenter au lieu de diminuer rapidement comme le recommande la science. Dans ce scénario, il devient de plus en plus difficile de maintenir le réchauffement de la planète à +1,5 °C d'ici à 2100.
Bien que le rapport du GIEC soit un "guide pratique pour désamorcer la bombe à retardement climatique", comme l'a déclaré le secrétaire général des Nations Unies, il semble que les recommandations du GIEC ne fassent pas les gros titres et n'influencent pas radicalement les politiques comme elles le devraient.
Que peut faire la communication sur le climat ?
Face à l'accumulation des mauvaises nouvelles sur le climat, devrions-nous nous efforcer de mettre en lumière les points positifs pour entretenir l'optimisme ? Ou devons-nous plutôt dénoncer l'hypocrisie et déplorer notre incapacité collective à véritablement inverser la tendance, dans l'espoir que l'indignation collective imposera les changements nécessaires ?
Nous devrions faire les deux en même temps. Comme l'a écrit David Wallace-Wells dans La Terre inhabitable**, "un état de demi-ignorance et de demi-indifférence est une maladie climatique bien plus répandue que le véritable déni ou le véritable fatalisme". C'est sur cette vaste majorité silencieuse, à moitié ignorante et à moitié indifférente, que nous devons nous concentrer.
L'essentiel du dernier rapport du GIEC semble être la réponse à cette même question : Comment maintenir suffisamment d'espoir, sans éluder la sombre réalité de la crise climatique, pour que les comportements changent dans le bon sens ?
Notre communication sur le climat est rendue particulièrement complexe par le fait que l'homme est à la fois la cause, la victime aux côtés d'écosystèmes entiers, et la solution à la crise climatique.
À l'intérieur de ces trois catégories, il existe de nombreuses ramifications - histoire, géographie, politique, niveaux de développement et répartition des richesses - qui indiquent toutes une grande variété de responsabilités, de niveaux de vulnérabilité au changement climatique et de solutions à mettre en œuvre ou à accélérer.
Ajoutez à cela les efforts de décarbonisation des gouvernements, des entreprises et des grands pollueurs qui sont loins de répondre aux exigences de l'Accord de Paris, et le fait que nous n'avons presque plus de temps (d'ici la prochaine édition du rapport d'évaluation du GIEC, probablement autour de 2030, les jeux seront faits). Il est donc impératif de mettre les bouchées doubles sur la communication climat à tous les niveaux, de manière responsable et axée sur les solutions.
Une véritable impulsion internationale, où chaque pays doit se sentir responsable de sa juste part d'effort ; une réduction drastique de l'utilisation des énergies fossiles, responsables de 80% des émissions de CO2 ; un discours climatique de la part des politiciens et des décideurs politiques clair, honnête même s'il est angoissant, orienté vers les solutions et les changements nécessaires dans le mode de vie et la répartition des richesses ; tout cela n'est plus optionnel mais urgent, et doit être accompagné d'une communication responsable, qui démontre que nous avons encore les moyens d'agir.
Que pensez-vous des responsabilités de la communication sur le climat et de ce qui pourrait être amélioré dans ce domaine ? N'hésitez pas à nous en faire part !
NOTES
*Source : Du 5/1/23 au 4/2/23, les publications contenant "Prince Harry" ont recueilli 21,9 millions d'engagements en ligne, tandis que les publications contenant "IPCC" du 20/3/23 au 19/4/23 ont eu 1,8 million d'engagements selon la recherche en ligne de Talkwalker.
**The Uninhabitable Earth, David Wallace-Wells 2019. Penguin. Page 55.
Image en haut : Un collage montrant les interactions en ligne de la publication du rapport du GIEC et du livre du Prince Harry. Crédit : 10 Billion Solutions
Auteur : 10 Billion Solutions - Communication climat et durabilité
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